Essai sur la finitude, la mémoire et la résilience.

Le survivalisme, une rencontre avec la mort

Le survivalisme est souvent perçu comme une tentative de prolongation de la vie, une aspiration à repousser l’inévitable par la prévoyance et la préparation. Pourtant, cette démarche est bien plus qu’un simple désir d’autonomie matérielle : elle est une confrontation directe avec la finitude humaine.

Celui qui adopte une démarche survivaliste accepte implicitement que la mort puisse frapper à tout moment : par le chaos social, la guerre, la famine, la maladie, ou encore par l’effondrement des structures qui garantissent la sécurité moderne. La mort, qu’elle soit individuelle ou collective, est une réalité incontournable.

Dans cette perspective, se préparer à survivre, ce n’est pas seulement s’équiper, c’est apprendre à mourir un peu chaque jour. Non par résignation, mais par lucidité. Il ne s’agit pas de nier la finitude, mais de l’intégrer pleinement dans l’existence pour mieux en tirer parti. Car la conscience de la mort peut être un moteur, un rappel constant que le temps est compté, et que chaque instant est une opportunité de vivre pleinement.

« Enseigne-nous à bien compter nos jours, afin que nous appliquions notre cœur à la sagesse. » (Psaume 90:12)

Mais comment regarder la mort en face sans céder à la peur ? Comment lui donner un sens ? Et surtout, comment honorer ceux qui tombent, lorsque les circonstances nous forcent à avancer sans leur rendre hommage comme nous le voudrions ?

La mort comme limite et comme guide

L’homme moderne fuit la mort. Il la cache dans des institutions aseptisées, dans des hôpitaux et des maisons de retraite où elle se vit en silence, loin des regards. Il la repousse par le progrès médical, par le divertissement, par une quête éperdue de jouissance immédiate qui donne l’illusion que l’échéance ultime peut être oubliée.

Mais le survivaliste, lui, n’a pas ce luxe. Il sait que la mort est une réalité, non seulement pour lui-même, mais pour ses proches, pour son entourage, et pour la société dans son ensemble. Il vit avec une conscience accrue de la fragilité de l’existence.

Chaque ration de nourriture stockée, chaque feu allumé dans la nuit froide, chaque blessure soignée est un acte de résistance contre l’oubli. Ce que le monde moderne rejette, le survivaliste l’intègre pleinement : la mort est à la fois une limite et un guide.

  • Une limite, car elle nous rappelle que nos jours sont comptés, que nous ne sommes pas des êtres infinis, et que nos actions doivent être orientées vers l’essentiel.
  • Un guide, car elle nous enseigne à hiérarchiser nos priorités : que restera-t-il de nous après notre passage sur cette terre ? Que laisserons-nous derrière nous ?

Le Christ lui-même nous enseigne que la mort n’est pas une fin, mais un passage :

« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » (Jean 11:25)

Ce verset n’est pas seulement une promesse eschatologique, il est aussi une leçon de vie : la peur de la mort ne doit pas nous paralyser, car la vie ne trouve son sens que dans ce qu’elle transmet.

Dans l’histoire humaine, les plus grandes épreuves collectives – guerres, famines, catastrophes – ont été des moments de division, mais aussi de reconstruction. Ceux qui restent portent le poids des disparus, et leur mémoire devient un socle sur lequel se bâtit l’avenir.

Dans cette perspective, le survivalisme n’est pas seulement une démarche individuelle : il s’inscrit dans une responsabilité intergénérationnelle. Chaque homme et chaque femme qui survit dans l’épreuve devient le témoin de ce qui fut, le gardien d’un savoir et d’une mémoire qu’il appartient de transmettre.

« L’Éternel est près de ceux qui ont le cœur brisé, et Il sauve ceux qui ont l’esprit abattu. » (Psaume 34:19)

Le pragmatisme de la mort : survivre et enterrer

Dans un monde en effondrement, la mort devient une réalité quotidienne. Non seulement il faut y faire face psychologiquement, mais aussi matériellement. Comment gérer les corps en l’absence de structures funéraires ? Comment préserver la dignité des défunts lorsque les vivants eux-mêmes peinent à survivre ?

Dans toutes les grandes civilisations, les rites funéraires ont eu un rôle central. Enterrer les morts, leur offrir une sépulture digne, ce n’est pas un luxe, c’est un acte profondément humain.

Dans la Bible, honorer les morts est un devoir sacré. Même dans l’urgence de la Passion, Joseph d’Arimathie ose demander à Pilate le corps du Christ, afin qu’il ne soit pas abandonné comme un criminel :

« Joseph d’Arimathie, qui était un disciple de Jésus, mais en secret par crainte des Juifs, demanda à Pilate de pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Il vint donc et prit son corps. » (Jean 19:38)

Même dans l’effondrement, il reste possible de poser des gestes de dignité. Une prière murmurée, une tombe de fortune, un signe marquant le lieu du repos. Dans ces moments-là, il ne s’agit pas seulement d’honorer le défunt, mais aussi de préserver notre propre humanité.

« Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l’Éternel, ton Dieu, te donne. » (Exode 20:12)

Survivre à la perte : la mémoire comme résilience

Lorsque la mort frappe autour de nous, nous devons nous interroger : comment continuer sans ceux qui nous ont quittés ?

Dans un monde dévasté, le deuil est un luxe que l’on ne peut toujours s’offrir. Pourtant, il est essentiel. Un homme qui ne pleure pas ses morts se condamne à l’inhumanité.

« Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. » (Matthieu 5:4)

L’histoire nous enseigne que les peuples ayant traversé les pires épreuves ont su transformer la mémoire en outil de survie. L’oubli est une seconde mort, alors que le souvenir, lui, est une transmission de force et d’identité.

« Souviens-toi des jours d’autrefois, considère les années, génération après génération. » (Deutéronome 32:7)

Le survivalisme n’est pas qu’une question de techniques, c’est une question de transmission. Ce qui doit survivre, ce n’est pas seulement le corps, mais aussi l’esprit, les valeurs, les récits, la foi.

Mourir en homme libre

Le survivaliste sait qu’il ne peut repousser la mort indéfiniment. Mais il peut choisir comment il la rencontre. Mourir en homme libre signifie affronter la fin avec dignité, sans abandonner son humanité aux griffes du désespoir ou de la peur.

Dans l’idéal chrétien, la mort n’est pas une défaite, mais un passage. C’est ce que rappellent les martyrs et les saints, ceux qui ont accepté la mort non comme une fin absurde, mais comme l’ultime acte de fidélité.

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr l’âme et le corps dans la géhenne. » (Matthieu 10:28)

Accepter la mort, c’est aussi accepter que l’on ne pourra pas tout transmettre, que l’on ne verra pas tout s’accomplir. Mais si l’on a semé quelque chose – une parole, un geste, une idée –, alors on laisse une trace.

« Ceux qui enseignent la justice à la multitude brilleront comme les étoiles, à tout jamais. » (Daniel 12:3)

La mort n’aura pas le dernier mot

Loin d’être un échec, la mort est la condition même de la vie. Celui qui survit le sait : il n’a pas échappé à la mort, il a simplement été rappelé à sa fragilité.

L’Évangile nous enseigne que la vie ne s’arrête pas à l’instant où le souffle s’éteint.

« Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. » (Jean 11:25)

Survivre, ce n’est pas seulement repousser la mort. C’est s’assurer qu’elle ne prenne pas tout.

« J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. » (2 Timothée 4:7)

Et dans cette trace, aussi infime soit-elle, réside la victoire.

La société moderne : un voile sur la mort et l’âme

Si le survivalisme enseigne à regarder la mort en face, la société moderne, elle, fait tout pour la cacher. Elle la repousse dans les hôpitaux, l’aseptise dans des funérariums impersonnels, la maquille sous des couches de distractions. Elle nie l’inévitable.

Ce n’est pas un hasard. Un monde fondé sur la consommation et l’instantanéité ne peut tolérer la pensée de la finitude. Le deuil est un frein à la rentabilité, la réflexion un obstacle au divertissement. La mort, autrefois sacrée et entourée de rites, est devenue un embarras logistique, gérée comme un déchet organique.

Mais cette occultation ne se limite pas à la mort physique. C’est la mort spirituelle qui est, avant tout, programmée. Le monde moderne n’a pas seulement fait disparaître les cimetières de nos villes, il a exilé Dieu de nos vies. La transcendance, l’idée d’une finalité supérieure, l’espérance d’un au-delà sont devenues des sujets gênants, bons pour les « arriérés » ou les « croyants naïfs ».

Pour remplir ce vide, il fallait offrir des substituts. Des drogues douces et dures, non sous forme de substances, mais sous forme d’addictions : le sexe omniprésent, la consommation effrénée, la servitude à la mode, l’immersion dans des fictions creuses.

Ce monde ne prépare pas à la mort, il nous endort pour nous empêcher d’y penser.

Alors comme Légendat, éveillez-vous et préparez-vous !

Fulmen Adveho et Amen !

Père Vincent

ENTRETIEN AVEC LE PERE VINCENT
DU MOUTON AU CHIEN DE BERGER