La pandémie de coronavirus et le confinement qui nous est imposé mettent à mal la position centrale de l’évacuation et le concept de « Base Autonome Durable » (BAD) en tant que position de repli à rallier en cas de catastrophe.

Mes réflexions et stratégies opérationnelles s’articulent généralement autour de scénarios de crises relativement définis : troubles sociaux, catastrophes naturelles, crise économique, effondrement total… La pandémie de COVID19 laisse mes plans suspendus comme à un fil et m’amène à me questionner… quelle approche adopter face à cet entre-deux ?

La situation que nous vivons en 2020 est plus un affaissement qu’un effondrement tel que nous l’entendons. Le gouvernement et les services publics sont encore opérationnels, la loi et l’ordre ont toujours cours, les réseaux logistiques fonctionnent toujours. Cet entre-deux n’est certainement qu’une phase transitoire vers une amélioration ou une dégradation de notre cadre de vie.

Mon avis est que nous sommes dans l’œil du cyclone et que cette phase de calme doit être mise à profit pour aiguiser nos stratégies et augmenter nos stocks de résilience.

Les limites du concept de base autonome durable

Le principe d’aménager une maison de manière à en faire un point de repli n’a rien de nouveau. D’innombrables familles françaises habitant dans les grandes villes ont gardé une maison de famille (ou de la famille tout court) en province pour s’y retrancher en cas de besoin.

Il y a 2 façons d’aborder le déploiement de ce qu’on appelle aujourd’hui une « Base Autonome Durable » :

-La BAD « fixe » : acheter ou exploiter une maison avec du terrain pour y vivre et y développer son autonomie le plus largement possible (énergie solaire, plantations, puisard, moyens de défense, stocks alimentaires, etc.).

Ce plan me semble raisonnable tout en restant éloigné des réalités d’un grand nombre de personnes (les citadins par nécessité économique ou médicale, qui sont légion).

-La BAD « déportée » : acheter ou exploiter une résidence secondaire qu’on possède déjà et l’équiper au mieux pour en faire une position de repli totalement équipée pour s’y replier en cas de besoin.

Ce plan présente des failles que la pandémie de COVID19 aura mis en lumière pour beaucoup. La faille principale d’une BAD en tant que seule position de repli est que plusieurs facteurs doivent être réunis pour qu’elle s’avère utile :

  • Il faut équiper cette maison au moins aussi bien que sa résidence principale, ce qui demande un investissement conséquent,
  • Il faut être capable d’identifier la menace suffisamment en amont du déclenchement de la crise pour avoir le temps et les moyens de s’y rendre en sécurité,
  • Ce point de chute doit être resté accessible et inoccupé,
  • Cette position de repli doit être épargnée (ou moins touchée) par les troubles que vous cherchez à fuir.

Le verrouillage géographique déployé par les autorités pour éviter la propagation du coronavirus a empêché les gens de rejoindre leurs positions de repli, rendant totalement inutiles les BAD déportées devenues inaccessibles.

Le verrouillage actuel est certainement imparfait (je n’ai pas essayé de le contourner même si je ne doute pas que ce soit possible) mais c’est le principe qu’il faut retenir. On peut imaginer qu’un jour, ce sera l’armée ou des gens armés qui feront barrage ça et là… et d’un coup ce n’est plus la même histoire.

Voilà pourquoi ma vision est qu’avant de penser évacuation, il faut penser confinement. Et quand je parle de confinement, je parle ni plus ni moins de fortification du lieu de vie principal.

  • Stocks d’eau et de vivres,
  • Médicaments courants, produits d’hygiène, de protection et de décontamination,
  • Moyens de défense,
  • Outils, éclairage, chauffage, vêtements, etc.

Bref, tout ce qui est décrit dans mon guide Phase 8, ma liste des produits à stocker en cas de crise grave et ma liste Amazon.

Vous devez avoir tout cela à domicile quitte à faire du rangement par le vide dans vos placards, couloirs, caves, greniers. Abandonner son domicile n’a rien d’anodin et il faut éviter autant que possible d’en arriver là.

Je suis bien placé pour savoir qu’un appartement est difficile à aménager pour contenir tout ce qui est nécessaire à la survie, mais je sais aussi que ce n’est pas impossible. Je réorganise mon appartement tous les 15 jours pour adapter mes différents stocks à la situation et cela ne m’amuse pas mais c’est un effort nécessaire à la sécurité des miens. Si je peux le faire, vous le pouvez aussi.

A l’heure où j’écris, l’actualité est au déclin des cas de coronavirus et à l’approche du déconfinement national mais ce n’est pas le moment de relâcher nos efforts : nul ne sait ce qui nous attend dans les prochains mois, qu’on parle de santé (2ème vague, mutation du virus, émergence d’un autre agent pathogène, etc.), de finances (effondrement économique personnel ou global, licenciements économiques, etc.) ou d’équilibre mondial (déclenchement d’un nouveau conflit de grande ampleur).

Les risques de l’évacuation

En ce qui concerne l’évacuation, j’ai toujours pris le parti de privilégier la réflexion autour de ma situation personnelle au sens large (famille, travail, contraintes diverses) plutôt que de me plier à un dogme en décalage avec ma réalité. Il existe d’innombrables vidéos de youtubers traitant ce sujet. En revanche le confinement n’a très peu voire pas été abordé par le plus grand nombre.

Pour une personne seule, équipée et entraînée, il est peut-être possible de prendre la fuite avec un risque maximal. Pour un père de famille avec des enfants en bas âge comme c’est mon cas, la musique n’est pas du tout la même.

Je vis à Paris et j’ai toujours pensé ma préparation en tenant compte de mes contraintes familiales et des avantages/risques liés à mon environnement.

J’ai la chance d’avoir une maison de famille en province qui pourrait nous abriter en cas de besoin. Seulement j’ai retourné la question dans tous les sens et cette option, séduisante sur le papier, m’a toujours semblé être très risquée.

Dans mon cas, évacuer signifie abandonner mes systèmes de résilience, le gros de mes stocks, certaines de mes armes longues, ma connaissance du terrain… Et surtout, c’est exposer ma famille à des risques plus ou moins identifiés et connus en fonction du cas de figure. La route à parcourir et ses conditions en cas de fuite forcée est une équation qui présente trop d’inconnues (barrages « friends or foes ? », sections de routes impraticables, problème mécanique imprévu, etc.) pour que je prenne le risque d’y exposer mes enfants.

Je ne parle même pas de la logistique impliquée par la présence d’enfants et les situations ultra complexes qui peuvent en découler sur le chemin vers notre position de repli.

Quoi qu’il en soit, la pandémie de COVID19 a « résolu » cette question avec l’interdiction de quitter sa résidence principale. Dans le cas de figure présent, je ne regrette pas d’avoir misé sur la préparation de mon appartement parisien. Mais il aurait pu en être autrement et j’en suis conscient.

Le sac d’évacuation n’est pas une destination

Le Bug-out-bag est un héritage direct des déploiements d’unités spéciales dans les théâtres d’opérations à haut risque où les opérateurs infiltrés attendent leurs instructions dans des zones neutres (hôtels, planques, etc.). Dans ces conditions, le sac d’évacuation contient l’essentiel des matériels à emporter jusqu’au point de chute suivant et ainsi de suite jusqu’à exfiltration et retour à des conditions « normales ».

Le Bug out bag est donc conçu à l’origine pour contenir des ressources d’urgence (matériel, radiocommunications, IFAK, etc.) sur une durée et des conditions maîtrisées.

Comme je l’explique dans mon guide dédié au sac de survie, cet emport de secours doit nous permettre de subsister pendant une durée déterminée (24 à 48h) et est destiné à pallier des situations d’urgences extraordinaires (incendies, catastrophe naturelles, hospitalisation, etc.).

Il n’est en aucun cas question de miser sa survie sur le contenu de son sac en prenant la route sans destination connue. Quand je vois des gens acheter des sacs plus gros qu’eux pour y faire rentrer leur maison et une batterie d’armes à feu dans l’optique de prendre la fuite avec leur famille sans avoir la moindre idée de leur destination (ou pour aller « en forêt), mon sang se met à bouillir. Ça n’a absolument aucun sens.

J’ai été témoins de nombreuses discussions où il était question d’évacuer à pieds avec des armes longues. Ce genre de délires (car c’est du pur délire) de fin du monde où on se baladerait dans les rues ou sur les routes avec des armes apparentes est le summum de l’irréalisme et de la stupidité.

Si je venais à repérer quelqu’un d’armé sur ma route, ma priorité serait de l’éviter ou de l’éliminer, comme toute personne sensée.

Le héros et les zombies : péché d’orgueil

Comme je l’explique dans mon article sur la vigilance, l’ego est le pire ennemi du survivaliste. Pour reprendre une imagerie populaire, quand on regarde des films de science-fiction où le héros et ses proches se sauvent tant bien que mal de la voracité des morts-vivants, nous nous identifions toujours aux survivants et pas aux zombies.

Sauf que ce qu’on oublie, c’est que les zombies ne le sont pas devenus parce qu’ils étaient stupides ou mauvais de nature, mais bien par le malheur du hasard des choix qui les ont menés droit à la mort. Chacun fait de son mieux pour survivre et le hasard/le destin/la chance fait le tri. Nous ne connaissons ni le jour ni l’heure.

Quel que soit votre niveau de préparation mentale, quels que soient les moyens que vous avez engagés et les outils que vous avez réunis pour le jour J, il suffit d’un faux pas ou d’un manque de chance pour que la situation tourne au drame.

Il est humain de se projeter en survivant et de penser qu’on voit mieux et plus loin que les autres parce qu’on s’imagine avoir tout prévu, mais c’est faux. Personne n’est à l’abri d’une erreur ou d’une malchance.

L’humilité et la prudence sont donc de mise.

L’évacuation telle que je la conçois pour ma famille n’a rien à voir avec ce que je peux lire ou entendre souvent, c’est à dire une fuite à l’aveugle comme dans le pire des scénarios de science-fiction, où le contenu de mon sac et le hasard des rencontres seraient ma boussole et ma seule chance de survie.

Comme je l’expliquais dans mon article Confinement à domicile : avantages et inconvénients d’une stratégie de repli , les déplacements en temps de catastrophe sont presque toujours dangereux, encore plus dans un contexte d’affrontements où de pénurie sévère. Rester à la maison élimine le risque de conduire ou de marcher dans des situations dangereuses et des lieux inconnus.

Et vous, qu’avez-vous prévu pour subsister à domicile ? La pandémie de COVID19 vous a-t-elle fait modifier vos plans ?

Légendat