Apprendre à se fondre dans la masse est une discipline à part entière. Dans notre milieu de discrétion l’habit ne fait pas le moine, il le cache.

Si vous n’y faites pas attention, vos habitudes, vos comportements et votre apparence peuvent ruiner tous les efforts que vous faites pour votre sécurité et celle de vos proches.

Savoir maitriser l’image que vous renvoyez peut vous être utile dans des milliers de situations différentes. Et cela pourrait un jour vous sauver la vie.

Voici quelques notes personnelles sur les différents aspects de ce thème et quelques rappels de bon sens concernant l’attitude générale à adopter pour se fondre dans la masse.

L’art de la discrétion : attitude générale pour se fondre dans la masse

Je prends chaque jour des notes mentales sur les personnes qui attirent mon attention pour analyser ce qui a déclenché mon radar et voir si cela rentre également dans mon schéma comportemental.

De la même manière qu’une racaille est identifiable avec un phrasé, une tenue, une gestuelle et un regard particuliers, les pompiers les flics et les militaires ont tendance à ressembler à des pompiers, des flics et à des militaires, même en civil.

se fondre dans la masse quand on est policier ou militaire

Une posture calme et tendue à la fois, avec un regard à moitié dans le vide et à moitié dans le clic de fin de chargeur.

Il en va de même pour un grand nombre de survivalistes qui partagent les mêmes schémas mentaux, la même posture, les mêmes tics de repérage. Et pour peu que vous soyez pompier, flic ou militaire et survivaliste, vous pouvez faire sonner la cloche car vous faites partie des personnes qui ont le plus de mal à se fondre dans la masse.

Les vêtements et l’équipement sont des marqueurs manifestes qui influencent directement la façon dont les passants vous perçoivent. Et quand je parle de passants je ne pense pas à la dame qui promène son chien ni au père de famille qui rentre tranquillement chez lui.

Les personnes « classiques » sont une chose, les prédateurs qui errent dans les rues pour trouver une victime en sont une autre.

Ne vous y trompez pas, ils sont de plus en plus nombreux. Tous ceux qui vivent dans une grande agglomération et qui sont éveillés le savent aussi bien que moi.

Ambivalence de la force et péché d’orgueil

Votre apparence générale (stature, démarche, comportement général, regard, vêtements, etc.) en dit long sur vous à un étranger. La question est, que voulez-vous que les autres sachent ?

Le sujet est délicat. D’une part, on peut se dire que plus on semble préparé, plus on en « impose », moins on est susceptible d’être considéré comme une victime potentielle.

En d’autres termes, plus vous avez l’air fort ou dur, moins vous risquez d’être attaqué. C’est d’ailleurs souvent une question d’égo mal placé.

Sauf que par la même occasion, cela fait de vous une cible intéressante ou à éliminer dès que possible avant de passer aux personnes les plus vulnérables.

Et je remarque que certains prédateurs aiment de plus en plus se frotter à des cibles « dures ». Il en va de même pour les tarés et les drogués, de plus en plus nombreux dans nos rues et qui sont tellement chargés qu’ils s’attaqueraient à Superman sans cligner des yeux.

Si la bonne approche est d’en montrer le moins possible au quotidien, avoir conscience de son environnement et être bien équipé pour répondre à ces attaques, souvent armées, est très important.

S’entrainer à devenir invisible rapidement si les choses se gâtent l’est aussi.

Devenir invisible veut dire casser son apparence et se défaire de tout ce qui peut permettre de vous reconnaitre : première couche de vêtements, lunettes, coiffure, démarche… un désilhouettage complet en somme.

Cette technique bien connue dans la sphère du renseignement pour se fondre dans la masse peut être utile dans de nombreuses situations.

Discret comme une aiguille dans une botte de foin…

Passer inaperçu demande le bon état d’esprit, de la pratique, et même dans ce cas, ce n’est pas garanti car les situations sont fluctuantes.

En vérité, être un homme gris ne consiste pas à essayer d’être la personne la plus fade et la plus monotone possible.

Cela découle surtout de votre capacité à lire l’évolution de la situation et à vous adapter rapidement et de manière appropriée.

Il s’agit d’être oubliable.

Cela se fait en comprenant ce que les autres s’attendent à voir dans une zone donnée à un moment donné. En d’autres termes, ressembler fondamentalement à tout le monde et surtout ne pas détonner dans le paysage.

Si je dois rencontrer discrètement un contact qui travaille dans une tour à la défense, je vais mettre un costume quelconque, un badge bidon bien visible autour du cou, des chaussures de ville bas de gamme et je troquerais mon sac contre une sacoche.

Je coifferais mes cheveux de façon classique, je me tiendrais flasque et je ne quitterai pas mon téléphone des yeux pour ressembler à un « cadre dynamique »/zombie parmi d’autres.

comment se fondre dans la masse discrétion et infiltration

Si je dois faire la même chose sur le quai du RER B à Aulnay ou dans un hôtel de luxe, mon look et mon attitude seront totalement différents.

Pour se fondre dans la masse, il faut la ressentir et lui ressembler.

Ou l’aveugler avant de disparaître.

…ou éblouissant comme des feux de route

Les indicateurs sont des détails qui vont rester dans l’esprit d’une personne et qui peuvent potentiellement l’inciter à vous remarquer et à se souvenir de vous.

Un indicateur comme la beauté, la ressemblance avec un proche ou l’intérêt pour un détail de votre tenue vestimentaire est dans l’œil du spectateur. Il y a donc des facteurs que vous ne pourrez jamais maitriser malgré tous vos efforts.

Pour pallier ce problème, on utilise des leurres que j’appelle des balises : quelque chose de tellement visible qu’on ne retient que ça.

Les balises peuvent être des accessoires vestimentaires comme des comportements.

Dans la foule ou à proximité de sa cible, on peut utiliser un accessoire très visible qui détonne avec l’environnement comme par exemple un ciré jaune pétant ou une monture de lunettes rouge vif.

Cette approche est grandement facilitée depuis le covid dans la mesure où on peut en plus se masquer sans que cela ne paraisse suspect…

techniques pour se fondre dans la masse

L’arme fatale pour se fondre dans la masse. « Il portait un ciré jaune ! » ou comment tourner à droite quand tout le monde regarde à gauche.

L’intérêt d’une balise est d’une part de laisser l’attention se focaliser sur elle plutôt que sur le visage de celui qui la porte, mais également de s’en servir comme leurre : si un groupe de personnes cherche un pax en ciré jaune alors que ce dernier s’en est débarrassé, les recherches peuvent durer longtemps…

Quand on travaille « au corps à corps », c’est-à-dire quand on doit entrer en interaction directe avec une cible, l’approche sera plutôt axée sur un déguisement profond et/ou une attitude remarquable et des gestes répétitifs.

Voici une petite anecdote pour illustrer mes propos. Il y a une dizaine d’années, trois responsables politiques d’un mouvement naissant se sont installés dans un café de la place de Clichy pour travailler leur stratégie.

L’un d’entre eux avait dans son ordinateur portable l’ensemble des données confidentielles concernant ce mouvement : feuille de route, soutiens au sein de l’opposition, financements, mécènes, membres…tout.

Le restaurant était presque vide, mais il y avait juste à côté d’eux une femme très belle et très élégante d’une quarantaine d’années qui parlait et riait très fort au téléphone en faisant et défaisant sans cesse son chignon.

Elle était vraiment belle dans sa robe rouge, et ils l’ont copieusement regardée.

A la fin de leur déjeuner, ils se sont aperçus que la sacoche contenant l’ordinateur portable avait disparue.

La belle femme était partie depuis un bon moment. C’était la seule à avoir pu voler l’ordinateur. Aucun de 3 comparses n’a été capable de se souvenir d’autre chose que d’une belle femme brune qui parlait très fort en faisant et défaisant sa coiffure.

Ils n’ont pas retenu les traits de son visage, n’ont pas été capables de me dire de quelle couleur étaient ses vêtements ni à quel moment elle est partie et ne se sont absolument pas rendu compte qu’elle s’était approchée d’eux.

comment devenir oubliable stratégie de l'homme gris

Voilà de quoi est capable un professionnel de la manipulation. Les femmes sont particulièrement douées pour se fondre dans la masse mais le niveau, ici, était très élevé.

Comme l’illustre cette anecdote, être oubliable et sans intérêt n’est pas seulement une question d’apparence, il s’agit surtout de la façon dont vous agissez et de la connaissance que vous avez de votre environnement.  Le diable est dans les détails.

Le fait est que vous devez être flexible dans vos manières. C’est la partie la plus importante et la plus difficile à maîtriser pour devenir gris, et il faut généralement énormément de pratique pour être convaincant.

Comment se fondre dans la masse au quotidien

Développer une telle expertise étant un travail de longue haleine, je vous ai dressé une liste des écueils faciles à éviter au quotidien pour ne pas trahir votre préparation.

Adaptez votre langage et vos manières à votre environnement

Votre phrasé, le vocabulaire que vous employez et vos manières sont des indicateurs majeurs qu’il convient de maitriser. Si former des phrases parfaites peut être important face à un certain public, cela peut également être le meilleur moyen de se faire remarquer face à un autre.

Vous devez aussi adapter vos manières à votre environnement. La politesse excessive et les contacts visuels prolongés, pour ne prendre que ces exemples, n’ont pas leur place dans certains milieux et attirent l’attention.

Portez des vêtements classiques

Il n’y a rien de mal à porter un t-shirt avec votre marque préférée dessus, mais soyez prudent quant au message qu’il adresse à ceux qui vous regardent.

Evitez les T-shirts avec des logos d’armes à feu, des clins d’œil milis du type « 1 shot 1 kill » ou « 2 to the chest, 1 to the head ».

Ne croyez pas que vous êtes le seul à savoir que la cible est le logo de 5.11, que le caméléon est celui d’Helikon Tex ou que la grenouille est le symbole des nageurs de combat et autres forces spéciales dans le monde entier.

Pareil pour le crâne du Punisher ou le serpent à sonnette des survivalistes américains. Tous ces symboles sont repérables et repérés à des kilomètres.

Il en va de même pour les chemises, T-shirts, vestes et chaussures tactiques. Même en gris ou en noir, c’est tout sauf discret. Et même s’ils sont très pratiques, les sacs tactiques ne font pas exception.

Ne me lancez pas sur les treillis par pitié… en ville, il n’y a rien de plus voyant qu’un camouflage CE. Ces bariolages n’ont pas été conçus pour se fondre dans la masse urbaine.

Gardez aussi en tête que la télé ne diffuse que des reportages et des séries mettant en scène ces tenues et qu’une forte population de migrants venant de pays en guerre voire directement de théâtres d’opérations est aujourd’hui dans nos rues.

Evitez les accessoires trop visibles

Les vêtements ne s’arrêtent pas aux chemises et aux pantalons. Si vous ressemblez à un opérateur des forces spéciales dès que vous mettez une casquette, n’en portez pas. Venant de moi c’est l’hôpital qui se fout de la charité, mais vraiment, évitez.

Pareil pour les badges. N’oubliez pas de retirer vos accréditations dès que vous sortez de votre lieu de travail, surtout si vous prenez les transports en commun. Faites attention aux détails ou vous les montrerez à quiconque veut les voir.

Portez votre EDC discrètement

Il n’existe pas de vaccin contre les drames, en revanche avoir l’équipement adéquat pour tenter de les éviter est possible.

Mon EDC est largement évasif et défensif car je sais dans quel environnement j’évolue et quelle population je côtoie au quotidien. Chacun voit midi à sa porte en termes d’emport, personnellement je préfère ne pas être pris de court.

La plupart des éléments sont compacts et vont directement dans une pochette dédiée que je place dans mon sac, mais certains ne quittent jamais mes poches.

Si vous portez un outil – n’importe quel type d’outil – il doit être absolument invisible quelles que soient les circonstances.

La plupart des étuis et des couteaux ont un clip. J’entends souvent l’argument « il y a juste le clip qui dépasse de ma poche, ça pourrait être un stylo ».

Sérieusement… ne croyez pas que vos poches sont assez épaisses pour masquer la forme d’un couteau quand vous marchez et que le tissu de votre pantalon épouse la forme de votre cuisse, encore moins que les gens sont assez stupides pour croire que c’est un stylo.

De toute manière, qui se balade avec un stylo équipé d’un énorme clip métallique dans la poche ?

Mêmes les gens les plus cons que vous connaissez ont une forme d’intelligence que vous ne soupçonnez pas. Et comme je le disais plus haut, certains sont habitués et entrainés à repérer des pax armés. Si tel est votre cas, vous devez redoubler d’efforts pour vous fondre dans la masse.

Dans l’hypothétique cas de figure où je devrais porter un couteau pliant ou à lame fixe sur moi tous les jours, je le porterais de manière totalement invisible soit à l’intérieur de mon pantalon (couteau contre la peau, le clip à l’extérieur du jean étant recouvert par ma ceinture) soit dans la poche de mon manteau où il me serait immédiatement accessible.

Et si je devais emporter une bombe lacrymogène et/ou une matraque télescopique avec moi, je les mettrais dans la poche la plus accessible de mon manteau (à droite pour les droitiers, à gauche pour les gauchers) afin de l’avoir déjà dans la main ou à portée de main en cas de besoin.

Attention ! si vous deviez porter un couteau pliant à l’intérieur du pantalon : assurez-vous que le mécanisme de rétention de la lame ne puisse pas se désengager seul par gravité ou avec la friction de votre peau ou de vos vêtements. Linerlock ou framelock consistant obligatoire et automatique absolument interdit ! Vos parties intimes et votre artère fémorale vous remercient.

Par ailleurs, n’oubliez pas que la loi française interdit formellement le port d’arme et que les couteaux, bombes lacrymogènes et matraques ne font pas exception.

N’oubliez pas non plus qu’on ne sort une arme qu’en dernier recours pour sauver sa vie et qu’on le fait toujours pour s’en servir.

Banalisez votre véhicule pour vous fondre dans le trafic

Je vois de plus en plus de véhicules utilitaires, SUV et de 4×4 « tactiques » sur les routes. Ils sont vraiment cools avec les panneaux solaires apparents, l’échelle de toit sur le côté, les jerrycans accrochés à l’arrière et les caisses sur le toit.

Le problème, c’est qu’il ne manque qu’un énorme panneau clignotant « survivaliste – servez-vous » avec une bonne grosse flèche pour que tout le monde le remarque.

véhicule d'évacuation tactique sur base Mercedes Sprinter

Les vans d’évacuation tactique sont sont superbes mais peu discrets au milieu du trafic. Leur taille imposante en fait une cible de choix.

En termes de survie pure et dure, je préfère de loin l’idée d’un véhicule banal type Renault Trafic, Peugeot Expert ou un bon vieux B90 ravagé à l’extérieur mais renforcé et équipé en interne -donc discret- que ces cibles roulantes (à moins qu’elles soient blindées VPAM 10, équipées de pneus increvables et d’une 12,7 – là on peut discuter).

Entendons-nous bien. Si ces véhicules préparés de manière ostensible sont d’excellentes plateformes pour servir de véhicule d’évacuation sur le papier, ils présentent l’inconvénient majeur de se distinguer immédiatement dans le trafic.

Or c’est exactement ce qu’on veut éviter dans un scénario d’effondrement avec tout ce qui en découle en termes d’obstacles, de risque de car-jacking musclé et autres barrages filtrants sur la route.

Sécurisez vos réseaux sociaux

Je fais régulièrement des syncopes aggravées en voyant des personnes avec des profils ouverts (identité réelle, souvent  sans restriction pour accéder à leurs albums et listes d’amis) publier des photos ou vidéos de leurs armes et de leurs installations.

A tel point que je prends souvent le temps d’utiliser Google Streetview pour leur envoyer un petit message avec la photo de leur maison et leur faire réaliser le danger auquel ils s’exposent.

Facebook, et plus largement tout l’écosystème des réseaux sociaux, est un vecteur de danger que vous devez très sérieusement prendre en considération.

Beaucoup de gens mettent beaucoup trop d’informations en ligne sur eux-mêmes, à commencer par une simple photo de profil.

Discuter ou montrer des photos d’armes que vous possédez peut faire de vous une cible pour les cambrioleurs. Il en va de même avec les photos de vos enfants, le monde est rempli de tordus qui seront ravis de savoir où aller les chercher avant vous.

Faites attention à tout, y compris à ce qui se trouve en arrière-plan de vos photos et vidéos.

Vos publications peuvent révéler les membres de votre famille, l’apparence extérieure de votre maison, son aménagement intérieur, ses caractéristiques de sécurité, l’emplacement de vos armes à feu, le type d’armes que vous possédez, etc.

Les faits divers nous rappellent chaque jour que le sordide n’a pas de limites et que personne n’est immunisé contre le malheur.

Le virtuel pourrait vous rattraper bien plus facilement que ce que vous imaginez. Ne jouez pas avec le feu.

Votre reflet vous appartient

Ni moi ni personne ne peut vous dire comment vous devez vous comporter au quotidien et il n’y a pas de formule miracle pour se fondre dans la masse, mais réfléchissez à la façon dont vous vous présentez en public dans la rue comme sur le net et surtout ne sous-estimez jamais le danger.

Tous ceux qui vous croisent vous évaluent (voir mon article sur l’homme gris et le SRA). Prenez le temps de réfléchir à la manière dont vous contrôlez ce que les autres perçoivent de vous et à ce que vous pouvez faire pour être plus discret.

On sait souvent ce qu’on doit faire, mais il faut parfois se faire violence pour l’appliquer. N’attendez pas que la violence en question vienne de l’extérieur pour adapter votre posture.

Préparez-vous, formez-vous, entrainez-vous !

Fulmen Adveho !

Légendat

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