Les pastilles d’iode distribuées en cas de catastrophe nucléaire sont souvent débattues mais leur efficacité et leur posologie sont le plus fréquemment méconnues. Conçues pour saturer la glande thyroïde afin d’empêcher l’iode radioactif de s’y accumuler, les pastilles d’iodure de potassium ne sont pas des pilules miraculeuses et il y a peu de chance de les voir distribuées à grande échelle si la situation l’exige.

Vous avez été nombreux (et surtout nombreuses) à m’écrire pour solliciter un article sur le sujet, j’espère que mes recherches vous éclaireront sur le sujet. Bonne lecture !

01. Qu’est-ce que l’iode radioactif ?

L’une des conséquences les plus redoutées d’un accident nucléaire ou de l’explosion d’une bombe nucléaire est la libération d’un panache d’iode radioactif dans l’environnement. L’iode radioactif (poétiquement désigné iode 131 ou 131I) est un sous-produit de la fission nucléaire qui se dégage uniquement en cas de d’accident nucléaire ou lors de la détonation d’une bombe nucléaire.

L’iode radioactif est le radio-isotope prédominant libéré par un accident de réacteur nucléaire ou une détonation d’arme nucléaire et peut parcourir des centaines de kilomètres sous le vent, comme après l’accident de Tchernobyl.

Ce qui rend l’iode radioactif si dangereux, c’est que le corps ne peut pas le distinguer de l’iode ordinaire. Par conséquent, si avalé (dans de la nourriture contaminée ou de l’eau), ou inhalé (il peut rester dans l’atmosphère pendant des jours), il sera absorbé dans la glande thyroïde (qui est le seul organe de nos corps à absorber de l’iode) et peut entraîner le cancer de la thyroïde, en particulier chez les enfants.

L’importance des comprimés d’iodure de potassium (communément appelés pastilles d’iode) a été démontrée à la suite de l’accident nucléaire de Tchernobyl, où les autorités ont commencé à distribuer massivement l’iodure de potassium quelques heures seulement après l’explosion. Dans les années qui ont suivi l’accident, les cancers de la thyroïde n’ont pas augmenté dans les régions où les gens ont reçu le médicament. Mais là où l’iodure de potassium n’était pas distribué, des formes auparavant rares du cancer de la thyroïde juvénile ont commencé à apparaître à des taux épidémiques, avec plus de 11 000 cas connus selon les derniers recensements.

02. Qu’est-ce que l’iodure de potassium et à quoi servent les pastilles d’iode ?

L’iodure de potassium est un sel d’iode stable (donc non radioactif) qui peut aider à empêcher l’iode radioactif d’être absorbé par la glande thyroïde, protégeant ainsi cette glande contre les lésions radiologiques.

La prise de pastilles d’iode bloque l’absorption thyroïdienne de l’iode radioactif cancérigène libéré par les réacteurs nucléaires tels que Tchernobyl, Fukushima ou les retombées d’armes nucléaires.

Le stockage de pastilles d’iode est pratiqué par les autorités sanitaires du monde entier pour prévenir le cancer de la thyroïde chez les personnes exposées à l’iode radioactif. Certains Etats comme la France et la Belgique disposent de stocks gouvernementaux (insuffisants, sans parler de la logistique de distribution…) tandis que d’autres comme les Etats-Unis autorisent l’achat libre des comprimés d’iodure de potassium (business is business).

La distribution et l’administration rapide des pastilles d’iodure de potassium à la population est un élément critique dans la planification de la réponse d’urgence à un accident nucléaire et nécessite un approvisionnement immédiat d’iodure de potassium.

Et comme vous savez que ce ne sera pas le cas, vous lisez mon article !

pastilles d'iode en cas de catastrophe nucléaire

Les retombées radioactives après l’accident nucléaire de Tchernobyl. Impossible de distribuer des comprimés d’iode à autant de monde. Heureusement à l’époque, les nuages radioactifs étaient sympas, ils contournaient la France !

03. Quand faut-il prendre les pastilles d’iode en cas de radiations nucléaires ?

Pour une protection optimale contre l’iode radioactif inhalé, l’iodure de potassium doit être administré 48 heures avant le passage du panache d’iode radioactif. Si l’iodure de potassium peut encore avoir un effet protecteur important même s’il est pris quelques heures après l’exposition, chaque minute de perdue augmente le risque de tomber gravement malade. Une administration même tardive peut être bénéfique en réduisant la dose totale de radiations auxquelles est soumise la thyroïde, mais il y a des chances que ça revienne à un cataplasme sur une jambe de bois.

L’iodure de potassium n’a aucun impact sur l’absorption par le corps d’autres matières radioactives comme le Cesium 137 et n’offre aucune protection contre l’irradiation externe d’aucune sorte. Les comprimés d’iodure de potassium doivent compléter l’évacuation (elle-même n’est pas toujours possible), la mise à ​​l’abri et le contrôle des aliments ingérés.

Les pastilles d’iode doivent idéalement être prises AVANT l’exposition aux radiations. Dans le cas où ce n’est pas possible, le délai maximal d’ingestion des comprimés d’iode est de 4 à 6 heures après exposition pour espérer obtenir des effets positifs.

Les comprimés d’iodure de potassium  ne protègent pas à 100% contre l’iode radioactif. L’efficacité de la protection varie en fonction de trois facteurs :

  • Temps après contamination: plus une personne prend les comprimés d’iode tôt, plus la thyroïde aura le temps de se saturer d’iodure de potassium. Passé un délai de 4 à 6 heures après contamination, le risque que la thyroïde se soit saturée d’iode radioactif et que l’iodure de potassium soit inefficace est important.
  • Absorption: La quantité d’iode stable qui parvient à la thyroïde dépend de la vitesse à laquelle le produit est absorbé dans le sang. Ceci dépend de la biologie de chacun, nous ne sommes donc pas tous égaux devant la nature. Les organismes jeunes seront plus réactifs à l’ingestion de l’iodure de potassium.
  • Dose d’exposition à l’iode radioactif: Minimiser la quantité totale d’iode radioactif à laquelle une personne est exposée diminuera la quantité d’iode radioactif nocif que la thyroïde peut absorber. Il faut donc s’éloigner le plus possible de la source de la contamination si les conditions le permettent.

A ce sujet, voici la vidéo ridicule explicative réalisée en 2016 par le gouvernement pour vous expliquer comment crever calmement réagir correctement en cas d’alerte nucléaire. On y voit une famille de citoyens modèles aux visages sereins comme des vaches sacrées suivre les directives gouvernementales.

Attention, ne visionnez cette vidéo que si vous avez un pantalon de rechange, c’est du lourd.

04. Comment agit l’iodure de potassium

La glande thyroïde est la seule partie du corps qui absorbe et stocke l’iode, qu’il soit radioactif ou non. En prenant l’iodure de potassium avant une exposition à de l’iode radioactif, vous saturez votre thyroïde avec de l’iode stable et inoffensif pour votre santé (enfin, à peu près). Ainsi, vous empêchez l’absorption d’iode supplémentaire (radioactif ou non) par votre thyroïde suffisamment longtemps pour que l’iode radioactif inhalé ou ingéré soit éliminé par vos reins.

pastilles d'iode en cas de radiations, iodure de potassium

L’iodure de potassium vient saturer la glande thyroïdienne, empêchant l’iode radioactif de s’y installer.

La saturation de la glande thyroïde par l’iodure de potassium dure environ 24h. Il faut donc renouveler la prise de comprimés d’iode toutes les 24h afin de se protéger tant qu’on est en contact avec un environnement contaminé par l’iode radioactif.

05. Posologie des comprimés d’iodure de potassium

ATTENTION : ces informations sont données à titre informatif et vous les utilisez à vos risques et périls. Seul votre médecin traitant et/ou les organismes de santé gouvernementaux sont à même de vous donner la posologie officielle et adaptée de l’iodure de potassium.

iode et iodure de potassium

Voilà à quoi ressemble la boite qu’il vaut mieux ne jamais avoir à ouvrir.

Les comprimés d’iodure de potassium distribués par le gouvernement en cas d’irradiation sont dosés à 65mg ou 130mg.

  • Dose d’iodure de potassium pour un nourrisson (0-1 mois, allaité ou pas) : 16mg soit ¼ de comprimé 65mg/jour d’exposition.
  • Dose d’iodure de potassium pour un enfant de 1 mois à 3 ans : 32mg soit ½ comprimé 65mg/jour d’exposition.
  • Dose d’iodure de potassium pour un enfant/adolescent de 3 à 16 ans : 65mg soit 1 comprimé 65mg/jour d’exposition. Les enfants en surpoids peuvent prendre 130mg soit 2 comprimés 65mg/jour d’exposition.
  • Dose d’iodure de potassium pour un adolescent à partir de 16 ans ou pour un adulte (femmes allaitant comprises) : 130mg soit 2 comprimés 65mg/jour d’exposition.

La dose maximale pour un adulte est de 130mg d’iodure de potassium par tranches de 24h. Pour les enfants, ne pas dépasser les doses indiquées. Prendre des doses supérieures ou à plus haute fréquence ne sert à rien, en revanche cela peut vous rendre gravement malade voire vous tuer par overdose. Une dose unique d’iodure de potassium protège la glande thyroïdienne pendant 24 heures et suffit pour la protéger.

06. Effets secondaires notoires des comprimés d’iodure de potassium

Les effets secondaires des comprimés d’iode peuvent inclure des maux d’estomac, des troubles gastro-intestinaux, des réactions allergiques, des éruptions cutanées et une inflammation des glandes salivaires.

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Pas de séquelles.

Lorsqu’il est pris tel que recommandé, l‘iodure de potassium peut causer des effets indésirables sur la santé liés à la glande thyroïde.

Ces effets indésirables rares sont plus probables si une personne:

  • Prend une dose plus élevée que celle recommandée,
  • Prend le médicament pendant plusieurs jours,
  • A une maladie thyroïdienne préexistante.

Les nouveau-nés (bébés âgés de moins de 1 mois) qui reçoivent plus d’une dose d’iodure de potassium risquent de développer une hypothyroïdie (taux d’hormones thyroïdiennes trop faibles). Si elle n’est pas traitée, l’hypothyroïdie peut causer des lésions cérébrales. Les nourrissons recevant une dose ou plus devront faire l’objet d’examens médicaux dans les meilleurs délais.

07. Comment se procurer des pastilles d’iodure de potassium

En France, la vente de pastilles d’iode produite par la Pharmacie Centrale des Armées est réglementée. La distribution des comprimés d’iodure de potassium est soumise à autorisation gouvernementale, ainsi qu’à des quotas. Ainsi, à moins d’habiter dans un rayon de 10km autour d’une centrale nucléaire et d’avoir reçu un courrier vous invitant à récupérer vos pastille d’iodure de potassium, vous n’aurez pas accès à ce médicament auprès de votre pharmacien.

Si vous tenez à vous en procurer, faites attention à ce que vous achetez. Un ami m’a récemment montré ce qu’il pensait être efficace : des comprimés d’iodure de potassium de 150Mcg (microgrammes), soit de 0,15mg. Malheureusement, il faudrait qu’il en prenne plusieurs centaines avant d’arriver à l’effet escompté.

Le seul produit valable que j’ai trouvé propose des comprimés de 32,5mg d’iodure de potassium en boites de 120 comprimés. Si vous souhaitez vraiment vous protéger contre d’éventuelles retombées radioactives, sachez qu’il est essentiel de vous équiper d’un compteur Geiger sérieux afin de savoir si vous êtes ou non en présence d’un contaminant et de vous préparer à vous retrancher dans un lieu stocké en eau, en nourriture et fortement isolé de l’extérieur, de préférence enterré (comme une cave aux murs épais ou un bunker, par exemple).

En ce qui concerne l’évacuation, le vrai problème est de savoir dans quelle direction fuir. Et si vous regardez attentivement la carte des retombées nucléaires de Tchernobyl au début de cet article, vous constaterez que la grande majorité du territoire est touché. Le combat contre les radiations est inégal, et nous ne sommes pas favoris…

Quelles sont vos réflexions sur le sujet ? Venez échanger dans les commentaires !

Radioactivement vôtre,

Légendat