La blessure par balle au stand de tir

… où l’on parlera de blessures par balle accidentelles auto-infligées des mains et des pieds. Septembre, c’est la rentrée… Pour un certain nombre d’entre vous, personnels des forces armées, de l’ordre, de sécurité privée, etc., et/ou pratiquants de tir sportif, cette période résonne des bruits des stands de tir dont on retrouve progressivement le chemin après la trêve estivale.

Même si c’est un plaisir d’aller vous entraîner avec vos armes, gardez à l’esprit que l’on ne plaisante pas avec elles. Elles se manipulent avec la plus grande rigueur technique et mentale. Car les accidents arrivent parfois. Notamment des blessures par balles que s’infligent eux-mêmes les tireurs. On parle de blessures « auto-infligées ».

Ces blessures aux mains et aux pieds surviennent suite aux mauvaises manipulations et fautes d’attention commises par les tireurs eux-mêmes. Les situations accidentogènes sont nombreuses et se présentent, hélas, trop souvent: une main qui traîne devant le canon d’une arme de poing, un index mal maîtrise lors d’un dégainé, un doigt sur la détente alors que les organes de visée ne sont pas alignés sur l’objectif (souvent en position « relâche »), le canon d’une arme longue chargée posée sur le pied et un index baladeur, une mauvaise maîtrise de la position de tir sur le dos buste semi-relevé/jambes ouvertes, et autres manipulations diverses d’une arme non sécurisée…

Les causes de ces accidents sont toujours dues au non respect des 4 règles fondamentales de sécurité.

Petite piqûre de rappel sur ces 4 règles de sécurité qui permettent d’éviter une majorité d’accident lorsqu’elles sont strictement appliquées:

1. Une arme doit toujours être considérée comme chargée.

2. Ne jamais pointer ou laisser pointer le canon d’une arme sur quelque chose qu’on ne veut pas détruire.

3. Garder l’index hors de la détente tant que les organes de visée ne sont pas sur l’objectif.

4. Être sûr de son objectif et conscient de son environnement.

blessure par balle stand de tir

Sur la photo ci-dessus, vous pouvez voir une blessure déjà emballée à une main (par 9mm), le trou provoqué par un tir accidentel dans une chaussure et un kit d’urgence tel qu’on devrait le trouver dans tout stand de tir.

Et vous, comment réagiriez-vous si vous étiez confronté à ce genre d’accident lors d’une séance de tir? Comment traiteriez-vous ce type de blessure? Quel niveau de formation avez-vous ?

Les conséquences d’une blessure par balle

Dans toute blessure par balle, le projectile écrase (et détruit) les tissus qu’elle pénètre puis provoque des lésions supplémentaires dues à la cavitation temporaire. Les lésions seront plus importantes lorsqu’il y a déformation et fragmentation de la balle.

En l’occurrence, la plupart du temps, les structures de la main et du pied sont directement touchées par un projectile intact.

Les blessures peuvent aussi être provoquées par des fragments de balle ou des projectiles secondaires.

Dans le cas des mains et des pieds, les tissus tels que les muscles dits « squelettiques » sont plus élastiques et sont donc (théoriquement) moins affectés par la cavitation temporaire que les tissus moins élastiques des organes internes tels le foie, la rate ou le cerveau.

Les blessures par balle aux mains et aux pieds les plus couramment observées mettent en évidence des fractures des os (de la main et du pied) et petits os (doigts et orteils) souvent accompagnées de perte de matière osseuse et des lésions des tissus mous (muscles) ainsi que des tendons et ligaments.

Que faire en cas de blessure par balle au stand de tir ?

Si une blessure par balle à la main ou au pied n’engage généralement pas le pronostic vital du blessé, elle reste une blessure délicate à traiter en opératoire compte tenu de la complexité et de l’importance fonctionnelle des mains et des pieds.

En tout premier lieu il s’agit de sécuriser votre intervention et votre environnement en sécurisant l’arme du blessé ET la votre puis en faisant cesser toute activité de tir sur les lieux de l’accident. Au stand de tir, on n’est normalement pas soumis au tir d’un ennemi…

Ensuite, la priorité est d’écarter toute hémorragie immédiatement décelable (visible). Par hémorragie, on entend saignement abondant, plutôt artériel (haut débit par jets successifs lorsqu’il n’y a aucun obstacle) que veineux (bas débit en continu) ce qui est peu probable en cas de blessure à la main ou au pied (pas de grosses artères aux extrémités). Néanmoins, cela ne veut pas dire que ça ne saignera pas.

Par principe, il vous faut arrêter ce saignement le plus tôt possible. Pansement compressif, superposition de compresses et bandage, linge propre appuyé directement et tenu en place par le sauveteur (ou un tiers), point de compression à distance, garrot si besoin…

Tout stand de tir doit être doté d’un kit de premiers secours (adapté à la pratique, accessible à tous, contrôlé régulièrement) et en tant que détenteurs/utilisateurs responsables d’arme(s) à feu vous devez être équipés de vos propres trousses d’urgence, rapidement et facilement accessibles.

Ensuite, il s’agit d’installer, sans confondre vitesse avec précipitation, le blessé dans une position évitant toute aggravation de son état (faiblesse, chute, perte de connaissance…) et permettant d’intervenir le plus efficacement possible.

Placez le blessé dans un endroit protégé (soleil, pluie, vent, poussière, bruit, témoins curieux/gênants/inutiles…) et dégagé.

La position allongée est, à priori, la plus appropriée, mais selon la situation et le ressenti du blessé, vous pouvez aussi l’asseoir ou adapter sa position à sa demande.

Utilisez des gants !!! (nitrile, latex) Ça serait une bonne idée… D’abord pour vous protéger vous-même ainsi que le blessé (notion d’infection croisée). Mais aussi parce que cela vous permet, pendant les quelques secondes que nécessite leur enfilage, de vous ménager un bref délai durant lequel vous allez faire un point rapide de la situation, vous remémorer la procédure de prise en charge d’un blessé et commencer à planifier la suite.

A ce stade, quand la situation devient plus claire et que vous commencez à en reprendre la maitrise, vous devez contrôler l’absence d’autres éventuelles blessures en dehors de celle initialement identifiée.

Le but, tout en questionnant le blessé sur d’éventuelles douleurs, autres que celle de la blessure en question, consiste à vérifier par palpation (recherche de sang, de déformations, de douleurs…) l’ensemble de son corps.

Ne vous contentez pas d’un simple questionnement, parfois la douleur (et la vue) d’une blessure peut détourner l’attention du blessé d’une autre. Sachez que blessure (hémorragie en premier lieu) n’est pas forcément synonyme de douleur.

Le blessé crie ? Tant mieux ! Facile à dire, mais ne vous laissez pas impressionner, déstabiliser. La plupart du temps, le calme (même apparent) d’un sauveteur-secouriste rassurera le blessé et l’aidera à se calmer.

Concernant les réactions du blessé face à sa blessure, si elles varient selon les individus, d’expérience, l’intensité des cris n’est que très rarement proportionnelle à la gravité de la blessure.

Quoi qu’il en soit, qu’un blessé crie, s’arrête pour reprendre sa respiration et crie à nouveau, etc.-etc., prouve que les voies aériennes supérieures ne sont pas obstruées et que la respiration fonctionne plutôt pas mal. En cas de difficulté respiratoire (choc émotionnel, essoufflement, faiblesse, blessure au thorax…), placez le blessé de préférence en position assise ou demi-assise.

Si le blessé est calme, parlez-lui (ou demandez à un tiers de le faire pendant que vous vous concentrez sur les gestes de premiers secours) afin de le maintenir en permanence en éveil. Un peu d’humour bien choisi, ça passe toujours plutôt bien. Il faut à tout prix éviter que le blessé ne perde connaissance: ce serait une aggravation de son état.

Si le blessé perd connaissance (ne répond pas à des questions simples, n’ouvre pas les yeux ou n’arrive pas à bouger quand on lui demande, ne réagit pas aux sollicitations) mais qu’il respire, placez le en position latérale de sécurité (sur un de ses cotés, tête penchée vers le bas afin de préserver l’ouverture des voies aériennes).

Il est peu probable qu’une blessure par balle à la main ou au pied évolue (rapidement) vers un arrêt cardiaque chez un individu sans antécédent médical lourd. On l’a évoqué plus haut, le risque de faire face à une hémorragie (notamment artérielle) en cas de blessure à la main ou au pied est quasiment nul. Mais le sang coule, plus ou moins ?

C’est plutôt logique. Et bon signe ! Cela signifie que la fonction circulatoire (le cœur qui bat et envoie le sang dans l’organisme) reste efficace. A ce stade, il faut évidemment faire quelque chose: emballer la blessure (pansements adaptés, compresses et bandages, linge propre, etc…).

Qu’il s’agisse de la main ou du pied, élevez la blessure au dessus et le plus loin possible du cœur afin d’y ralentir la circulation et de calmer sensiblement la douleur. L’alerte aux secours aura bien souvent déjà été effectuée par quelqu’un d’autre.

Si vous êtes seul, c’est à ce moment, quand toute urgence vitale est écartée ou identifiée, traitée le cas échéant, qu’il faudra appeler les services de secours (le SAMU au 15, les pompiers au 18 ou 112); ne stressez pas d’avance sur la trame et/ou le contenu de votre message, expliquez la situation simplement et avec vos mots, répondez aux questions et laissez-vous guider; ne raccrochez pas avant que votre interlocuteur ne vous y ait invité. Couvrez le blessé avec une couverture de survie (effet psychologique bénéfique garanti) ou avec tout autre moyen approprié.

En attendant les secours, rassurez le blessé en restant près de lui et en lui parlant. On l’a déjà précisé: IL-NE-DOIT-PAS-S’EN-DOR-MIR !!! Même s’il en éprouve l’envie ou le besoin.

Un contact physique contenu comme tenir une main, poser une main sur une épaule ou sur la tête (c’est selon le feeling de chacun) permet généralement au blessé de se calmer. Ou à vous de le secouer, de manière adéquate, s’il commence à somnoler. Contrôlez régulièrement la respiration et, si vous savez le faire, le pouls.

Si vous notez un changement marquant, ou en cas de doute, rappelez les secours. Selon la configuration des lieux et la présence de tiers, faites mettre en place un guidage pour faciliter l’arrivée des services de secours.

En cas d’isolement extrême induisant une élongation importante du délai d’intervention des secours, il faudrait pouvoir envisager d’effectuer une immobilisation du membre atteint, afin d’en limiter les mouvements (aggravation fonctionnelle, saignement) et la douleur, avec attelle dédiée ou de fortune.

Pour le reste, une fois que le blessé est (relativement) sous contrôle, suivez les consignes du stand de tir que vous fréquentez. Elles devraient être affichées de manière à être visibles par tous; elles obligent généralement à alerter police ou gendarmerie, à informer le président du club, etc…

Idéalement, tenez-vous régulièrement informé du règlement intérieur et des procédures en cas d’accident, en l’occurrence en cas de blessure par arme à feu. Le cas échéant, et s’il est présent, appuyez-vous sur un responsable/contrôleur.

Pour la suite, parlez des évènements avec vos partenaires de tir et votre entourage et essayez de débriefer sur l’action de secours avec quelqu’un d’expérimenté. Tout cela aide à relâcher la pression et permet de tirer des leçons constructives.

En cas de difficulté à accuser le coup, de mal-être persistant, de réminiscences (flashback) fréquentes des évènements, adressez vous à un spécialiste (médecin, psy).

Formez-vous, entraînez-vous et soyez prêts !!!

Rodolphe.

Un mot sur l’auteur

Rodolphe est un ancien militaire (20 ans de métier), spécialiste et formateur sauvetage au combat (SC) et instructeur secourisme, il est aujourd’hui réserviste. Ses activités sont essentiellement partagées entre périodes de réserve (formation SC), missions dans le secteur de la sécurité privée et formations secourisme. Rodolphe est également secouriste bénévole.